Ampelosaurus

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lézard du vignoble
Classification Saurischiens>Titanosauridés
Epoque Crétacé sup. (75-67 Ma.)
Taille adulte 15 à 18 m long - 4 m haut
Répartition France
Régime
alimentaire
Herbivore
Date de sa découverte fouilles depuis 1989 (collectif) - décrit en 1995
Ampelosaurus atacis
Ampelosaurus atacis: reconstitution par Andrey Atuchin.

Ampelosaurus est un dinosaure sauropode français de taille modeste, mais exceptionnel à plusieurs titres:

Tout d'abord, la quantité d'ossements d'Ampelosaurus découverte est un record en France: près d'un millier d'ossements d'individus différents, retrouvés principalement sur le gisement de Bellevue (Campagne-sur-Aude), près du Musée des dinosaures d'Espéraza. En 2001, un squelette quasi complet d'un Ampelosaurus juvénile a même été découvert. Surnommé Eva (prénom de la 1ère découvreuse), ce squelette mesure une douzaine de mètres de long, 2,5 m de haut (fémur de 96 cm de long) pour une dizaine de tonnes, mais n'est pas encore complètement dégagé. Selon le paléontologue Jean Le Loeuf en 1998, qui fait partie de ses découvreurs, Ampelosaurus atacis est également attesté dans 2 autres gisements en dehors de la Haute Vallée de l'Aude: dans les Petites Pyrénées et le Chaînon de Saint-Chinian (à Massecaps: voir Buffetaut et al., 1999).

Autre originalité d'Ampelosaurus: il possédait des plaques osseuses dorsales (ostéodermes), en forme d'épines. C'est le premier titanosaure de l'hémisphère nord à en posséder. Pouvaient-elles lui servir de moyen de protection? Peu vraisemblable, selon Jean Le Loeuff. En effet, même si certains de ces aiguillons peuvent mesurer jusqu'à 20 cm de long, la taille imposante d'Ampelosaurus devait suffir à sa protection. Peut-être ces plaques aidaient-elles à supporter la colonne vertébrale, ou servaient-elles à la reconnaissance entre individus.

Ampelosaurus atacis
Squelette d'Ampelosaurus atacis reconstitué exposé au Musée des Dinosaures d'Espéraza. Photo: Dinosauria.
Squelette d'Ampelosaurus
Reconstitution du squelette d'Ampelosaurus © Dinosauria.

De plus, l'époque à laquelle a vécu ce titanosaure est aussi inhabituelle: les Sauropodes ont connu leur apogée au Jurassique, avec des géants tels que Brachiosaurus, Barosaurus, etc. Puis le groupe a décliné progressivement jusqu'au Crétacé. Ampelosaurus montre donc que les titanosaures sont restés relativement nombreux pendant le Campanien (83-70 millions d'années) et le Maastrichtien inférieur (70-65 Ma) en Europe. Parmi les titanosaures, on connaît également Magyarosaurus, daté du Maastrichtien supérieur et provenant de Roumanie.

Ainsi, la diversité des Titanosaures il y a 75-70 millions d'années était plus importante qu'à la toute fin de l'ère des dinosaures. Ce relatif déclin des Titanosaures, parallèle au développement des Hadrosauridés, est probablement lié à une dégradation climatique dans les derniers millions d'années du Crétacé, avec le passage d'un climat sub-tropical à un climat plus tempéré dans le sud de l'Europe, à moins qu'il ne s'agisse d'un biais de fossilisation étant donné que les gisements européens des derniers millions d'années du Crétacé sont excessivement rares.

Des gastrolites ont été retrouvées associées à Ampelosaurus. Les gastrolites sont des pierres arrondies et dépolies que l'on a retrouvé dans la cage thoracique de certains dinosaures. On pense qu'elles les aidaient à broyer la nourriture ingérée dans leur estomac. Ainsi, comme les poules actuelles, les Ampélosaures devaient avaler des pierres et les stocker dans une sorte de gésier. Ce broyage des aliments par des pierres devait sans doute compenser la faiblesse des dents de l'Ampélosaure, semblables à celles du Diplodocus.

Ampelosaurus vs Tarascosaurus
Ampelosaurus atacis face à Tarascosaurus, un théropode contemporain, par Alain Bénéteau.

Ampelosaurus met aussi en évidence l'importance du gisement de Bellevue (C3), où il a été découvert et qui fait encore l'objet de fouilles systématiques. Ce gisement (géologiquement au sein de grès et de marnes de la Formation des Marnes Rouges Inférieures), correspondant à l'ancien lit d'une rivière de la vallée de l'Aude, est le plus riche de France pour cette époque et a permis de déterrer la plus importante collection de vertébrés (liste à partir de Le Loeuff, 2005): Dinosaures (Ampelosaurus atacis, Rhabdodon priscus, dents d'un Dromaeosauridé, plaques d'un Ankylosaure indéterminé), Ptérosaures, Crocodiles (dont l'espèce Allodaposuchus precedens, également retrouvée dans le Bassin de Hateg en Roumanie), Poisson ostéichthyen (Lepisosteus), Tortues et Oiseaux (Gargantuavis philoinos) du Crétacé supérieur d'Europe, c'est-à-dire la période juste avant l'extinction des dinosaures non aviens. Le gisement de Bellevue est daté plus précisément du Campanien supérieur - Maastrichtien inférieur, donc de 75 à 67 millions d'années environ.

Depuis la découverte des premiers os d'Ampelosaurus, sa taille a été révisée à la hausse: on pense maintenant que les adultes devaient mesurer au total environ 18 mètres de long, ce qui est plutôt modeste par rapport à la plupart des Sauropodes. Mais il ne s'agit pas d'un cas de nanisme insulaire. En effet, dans le cas des dinosaures nains de l'île de Hateg, en Roumanie, comme Magyarosaurus, l'ostéologie révèle un taux de croissance ralenti, associé à une taille plus petite: les adultes étaient de petite taille, il s'agit de nanisme insulaire. Le même phénomène s'est déroulé au Jurassique en Allemagne, il y a 150 millions d'années, avec le sauropode nain Europasaurus holgeri (moins de 7 mètres de long et une tonne à l'âge adulte). Par contre, chez Phuwiangosaurus et Ampelosaurus, le taux de croissance osseuse ralentie n'est pas corrélé à une taille plus petite, ils devaient donc mettre longtemps à atteindre leur taille adulte. Ce n'est pas un nanisme insulaire, mais cela montre un métabolisme plus faible (Klein et al., 2012), sans doute lié à l'insularité.

L'environnement du sud-ouest de l'Europe à la fin du Crétacé était en effet constitué d'un chapelet de grandes îles, avec une régression marine de plus en plus marquée vers la fin du Crétacé. La France faisait partie d'une île ibéro-armoricaine (grande comme 3 fois Madagascar), réunissant les terres du Portugal à l'Allemagne et dans lesquelles évoluait une population assez endémique, avec notamment Ampelosaurus. La faune montre des échanges avec les terres du continent du sud, le Gondwana: comme en Amérique du Sud, en Afrique, en Inde et à Madagascar, les Titanosaures, dont Ampelosaurus, devaient être abondants au Crétacé supérieur et constituer les éléments dominants des faunes terrestres en Europe, contrairement en Amérique du Nord ou en Asie centrale, où les sauropodes sont rares, voire complètement absents selon les régions.

Le sud de la France se situait alors vers le 30e parallèle latitude Nord, soit 1000 km plus au sud qu'actuellement, d'où la présence d'une flore tropicale fossile à l'époque. La région devait être riche en fleuves et lacs, propice à la formation de vases argilo-sableuses et marécages où les dinosaures ont été nombreux à déposer leurs œufs, comme le font aujourd'hui à la même latitude tortues et crocodiles, le long des grands fleuves tropicaux. Aucun œuf n'a pour l'instant été attribué formellement à Ampelosaurus étant donné qu'aucun n'a été retrouvé intact avec un embryon fossile. Un oiseau fossile géant (Gargantuavis philoinos) aurait d'ailleurs très bien pu être l'auteur de nombreuses coquilles fossiles retrouvées dans la région, puisque ce contemporain a été découvert à Fox-Amphoux (Var), Campagne-sur-Aude (Aude), Combebelle et Cruzy, dans l'Hérault (source).

Le crâne d'Ampelosaurus est très similaire à celui des autres Titanosauridae, tout comme son braincase (moulage de l'intérieur du crâne). Il y a un autre crâne partiel de Titanosauridae français décrit par Le Loeuff et al. en 1989, sans doute celui trouvé près de Fox-Amphoux par P. et A. Méchin. Les études montrent qu'il a suffisamment de différences pour appartenir à un autre genre qu'Ampelosaurus. Il y aurait donc eu au moins une autre espèce de Titanosaure dans le sud de la France au Crétacé supérieur. En 2007, des restes d'un titanosaure d'environ 20 mètres de long ont d'ailleurs été mis à jour dans le gisement de Bellevue (plaque sternale, fémur de 1,20 mètre, omoplate, pubis, vertèbre caudale et chevron d'un même individu). Actuellement, les fossiles découverts montrent la présence d'au moins 4 espèces différentes de Titanosaures au Campanien-Maastrichtien, en plus de l'espagnol Lirainosaurus astibiae.

Crâne partiel d'Ampelosaurus atacis (Eva)
Crâne fragmentaire d'Eva, Ampelosaurus atacis juvénile, exposé au Musée des Dinosaures d'Espéraza. Photo: Arnaud Salomé.
Vertèbres dorsales d'Ampelosaurus atacis
MDE-C3-247: Voici les 3 vertèbres dorsales en connexion, qui ont servi à désigner le type d'Ampelosaurus atacis (barre d'échelle: 17 cm).
Les vertèbres des Titanosaures sont caractéristiques: une face concave et l'autre convexe. Le Loeuff, 1995.

C'est le paléontologue français Jean Le Loeuff qui a décrit Ampelosaurus atacis en 1995, un nom qui signifie "reptile des vignobles de l'Aude", puisqu'il a été retrouvé au milieu de la Blanquette de Limoux!