Ronan Allain : témoignage sur le métier de paléontologue
Bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Tout d'abord, commençons par une présentation de ce qui vous a amené à travailler sur les dinosaures. Est-ce que vous pourriez résumer votre parcours général?
C'est le même que tout les gens qui font de la recherche en paléontologie: université, DEA puis thèse comme à l'époque puisqu'on n'en était pas encore à la licence et au master. Après, j'ai commencé très tôt, en seconde, à faire des fouilles. C'est le côté fouilles qui m'a d'abord attiré dans le métier, mais il s'agissait de fouilles archéologiques. Parce qu'à cette époque-là, il n'y avait pas de fouilles paléontologiques en France. Puis après, comme j'étais plutôt scientifique que littéraire, l'archéologie n'était pas forcément une voie qui s'imposait à moi. Je me suis retrouvé plutôt à faire des sciences de la terre, quelque chose que j'aimais bien. J'aimais bien ce qui concernait les cailloux. Et puis petit à petit, en me spécialisant dans mes études, je suis arrivé en paléontologie, ce qui semblait logique vu mes études au départ...
Pour les dinosaures, c'est plus un concours de circonstance. Evidemment, tout le monde voudrait travailler sur les dinosaures. Moi, je ne suis pas arrivé en me disant, tiens, je veux faire du dinosaure. J'ai été voir Philippe Taquet qui travaillait sur le Laos à cette époque-là, via mes professeurs de géologie de Paris 6. Je lui ai dit:
Je suis intéressé par la paléontologie, est-ce que vous avez quelque chose à me proposer?
. Il m'a proposé les dinosaures du Laos. Je suis parti comme cela sur les dinosaures et je ne les ai jamais quittés depuis. Je connaissais déjà quelques trucs, mais c'est plus un concours de circonstances.
J'ai commencé ma première expérience paléontologique à Montpellier avec Henri Capetta sur une faune de requins du Miocène. La plupart des étudiants qui font ça savent aussi qu'en fonction des circonstances, on se tourne vers tel ou tel groupe.
Effectivement. A quand remontre votre premier stage?
Mon premier stage, j'étais en licence, cela remonte à 1995.
Et votre thèse, vous l'avez passée en quelle année?
Je l'ai soutenue en 2002. J'ai eu ensuite 5 années mouvementées de post-doc, ATER... comme tout le monde, avant d'avoir un poste.
Et depuis, définitivement au Muséum.
Définitivement au Muséum. C'est à peu près la moyenne actuellement pour les paléontologues quelque soit leur spécialité pour trouver un poste: environ 5 ans. Il faut le savoir.
Qu'est-ce qui vous attire dans ce métier de paléontologue?
Je suis quelqu'un qui aime beaucoup faire du terrain. L'année dernière, j'ai fait 4 mois et demi de terrain. C'est aussi un reproche que l'on peut me faire: je vais beaucoup chercher le dinosaure sur le terrain. Je trouve aussi. Il suffit d'aller en chercher pour en trouver. Par contre, en publication, je suis un peu moins productif que d'autres qui publient tout un tas de choses sur deux fois rien. Moi j'ai des choses un peu plus complètes, mais j'ai un peu plus de mal à les publier... En dehors de ce terrain qui m'intéresse, je suis surtout axé sur ce qui est systématique, phylogénie: étudier les dinosaures dans un cadre évolutif et dans un cadre de dinosaures. Je n'étudie pas les dinosaures pour reconstituer un paléoenvironnement, ou les dinosaures pour raconter d'autres choses. J'étudie les dinosaures pour les dinosaures, du côté systématique classique.
Vous avez d'ailleurs publié récemment une synthèse sur les dinosaures de France.
Oui, c'est surtout la systématique. Mon travail de thèse portait sur les Mégalosaures, une reprise intégrale des Mégalosauridés et de tout ce qui va avec. Ma première question qui vient quand je fais du terrain, c'est: Qu'est-ce que c'est? A quoi il ressemble? C'est de l'anatomie, de la systématique, de la phylogénie derrière. Je suis intéressé par ce qu'il se passe du côté du Jurassique, pour essayer de comprendre ce qui tourne autour de la diversification des dinosaures au Jurassique. C'est un petit peu ma marotte. Mais je travaille aussi sur le Crétacé, selon ce que l'on a dans nos collections et selon ce que j'ai sur le terrain. Le Laos, c'est plus le Crétacé, tout comme le nouveau gisement qu'on a trouvé à Angeac en Charente.
Note: la thèse de doctorat en Paléontologie soutenue par Ronan Allain s'intitule Les Megalosauridae (Dinosauria, Theropoda) : Nouvelle découverte et révision systématique : implications phylogénétiques et paléobiogéographiques
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