Du nouveau chez les gorgonopsiens #8230

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… avec deux articles révélant pour la première fois la présence de formes d'affinités russes en Afrique australe et orientale. L'un est un article qui est en fait une présentation d'un site particulièrement riche de la limite Permien-Trias en Afrique du Sud, et qui a livré un nouveau gorgonopsien. L'autre est une révision d'un spécimen de Tanzanie connu depuis 1950. Un troisième papier concerne la redescription de l'un des rares gorgonopsien du Permien moyen.



Botha-Brink, J., Huttenlocker, A.K., & Modesto, S.P. (2013). Vertebrate paleontology of Nooitgedacht 68: A Lystrosaurus maccaigi rich Permo-Triassic boundary locality in South Africa. In C.F. Kammerer, K.D. Angielczy k, & J. Fröbisch (Eds.), The early evolutionary history of the Synapsida (pp. 289–304). Dordrecht: Springer.

Botha-Brink et ses collègues présentent Nooitgedacht 68, une "nouvelle localité" (des spécimens y avaient déjà été récoltés dans les années 70) où sont bien exposés les dépôts continentaux de la limite Permien-Trias. Une localité intéressante à plus d'un titre :

1 Elle précise la distribution stratigraphique de certaines espèces qui encore récemment n'étaient pas considérées comme des victimes de l'extinction de masse du Permien terminal, (car leurs fossiles les plus récents avaient été trouvés dans des niveaux assez éloignés de la limite Permien-Trias). Parmi ces espèces figurent le dicynodonte géant Dinanomodon gilli dont un crâne fut collecté dans un niveau stratigraphique plus proche de limite P/T que les autres spécimens connus de cette espèce. Cette trouvaille suggère que Dinanomodon était encore présent dans les niveaux les plus tardifs du Permien supérieur et qu'il compte parmi les victimes de l'extinction de masse.

2 Elle est particulièrement riche en spécimens de Lystrosaurus maccaigi, la plus grande espèce du genre qui est aussi la première à apparaître et la seule à être stratigraphiquement limitée au Permien terminal. Nooitgedacht 68 a livré une cinquantaine d'individus multipliant ainsi par 2 le nombre de spécimens connus de L. maccaigi. Cet animal n'était connu que par des spécimens adultes et on se demandait s'il ne pouvait pas correspondre à de très grands individus d'autres espèces. La découverte des premiers juvéniles parmi l'échantillonnage montre que ce n'était pas le cas.

3 Ce site se démarque également par la découverte d'un nouveau type de grand gorgonopsien auparavant inconnu en Afrique. Cette forme est bien différente des Rubidgeinae (des formes massives a l'arrière crâne très large et à l'arcade zygomatique très développée ventralement) qui jusque là étaient les gorgonopsiens dominants du Permien supérieur d'Afrique australe et orientale. Elle présente par contre des similitudes avec le genre Inostrancevia de Russie. Ce nouveau gorgonopsien sud-africain (dont on possède au moins deux crânes associés à divers éléments postcrâniens) est en cours d'étude et n'a donc pas encore été attribué à un genre en particulier, mais il constitue probablement la première découverte d'un gorgonopsien d'affinité russe dans le Karoo sud-africain. Ce qui est intéressant également, c'est que ce nouveau type de gorgonopsien apparaît en Afrique du Sud dans les tout derniers niveaux du Permien supérieur (partie sommitale de la Zone à Dicynodon = Changhsingien terminal). Un moment où le principal prédateur était jusqu'à présent le thérocéphale Moschorhinus (qui présente d'ailleurs une convergence morphologique avec les gorgonopsiens). Comme le dit Christian Kammerer, la recherche moderne sur les gorgonopsiens en est encore à ses balbutiements, mais des découvertes récentes comme celle-ci, suggèrent un modèle biogéographique plus complexe qu'on ne le pensait pour ce groupe de thérapsides.



Crâne d'un nouveau gorgonopsien sud-africain ressemblant à Inostrancevia (longueur du crâne = 50 cm). Permien supérieur (Changhsingien supérieur = ~ 252 millions d'années).

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Gebauer, E.V.I. (2013). Re-assessment of the taxonomic position of the specimen GPIT/RE/7113 (Sauroctonus parringtoni comb. nov., Gorgonopsia). In C.F. Kammerer, K.D. Angielczyk, & J. Fröbisch (Eds.), Early evolutionary history of the Synapsida (pp. 185–207). Dordrecht: Springer.


La faune du Permien supérieur de la Formation Usili en Tanzanie possède plusieurs taxa en commun avec celle du Bassin du Karoo en Afrique du Sud, mais elle possède aussi un degré d'endémisme élevé au niveau générique ou spécifique, avec entre autres, des formes comme les gorgonopsiens Titanogorgon et Ruhuhucerberus (le Cerbère de la Vallée de Ruhuhu) et parmi les dicynodontes, les petits Kawingasaurus et Katumbia, et l'énorme Rhachiocephalus behemoth). Elle présente aussi la particularité d'avoir des affinités avec les faunes du Permien supérieur d'Europe. On connaissait ainsi le dicynodonte Geikia locusticeps, un genre inconnu dans le reste de l'Afrique mais représenté en Ecosse par G. elginensis. En 2007, Eva Gebauer avait étudiée dans sa thèse un gorgonopsien tanzanien qui était connu sous les noms de Scymnognathus parringtoni et d'Aelurognathus parringtoni. Son étude du spécimen (un des rares gorgonopsiens dont on dispose d'un squelette quasi complet) a révélé qu'il ne correspondait à aucunes formes africaines connues, mais qu'il était très proche d'une forme de Russie, Sauroctonus progressus. Gebauer avait finalement reclassée le spécimen tanzanien dans le même genre russe (devenant ainsi Sauroctonus parringtoni). L'article officiel vient donc de sortir, et Sauroctonus devient ainsi le premier genre de gorgonopsien présent à la fois en Russie et en Afrique (orientale). Toutefois, selon Christian Kammerer, cette attribution doit encore être testée par une analyse phylogénétique. Dans la cage thoracique de ce spécimen a également été trouvé des restes grignotés (une symphyse) du petit dicynodonte Katumbia, mais il n'est pas possible de dire si ce dicynodonte fut prédaté ou charogné. Dans sa thèse de 2007, Gebauer avait également constatée que les membres antérieurs de S. parringtoni étaient capables d'une posture plus redressés (comme les membres postérieurs) que ce que l'on croyait.


Crâne de Sauroctonus parringtoni (longueur = 25 cm)


Il faut savoir qu'il règne actuellement un sacré bazar dans la taxonomie des gorgonopsiens et ce à cause d'une part, de la morphologie conservatrice de ces animaux et d'autre part, parce que l'holotype de la majorité des espèces est constitué de spécimens fragmentaires mal conservés (ce dernier point s'applique aussi aux dinocéphales et aux thérocéphales). De sorte qu'il est souvent difficile d'attribuer des crânes complets et bien conservés à des espèces fondées sur des restes mal conservés. Eva Gebauer, dans sa thèse de 2007, avait réalisée une révision des gorgonopsiens, réduisant le nombre de genre valide de 25 à 15, mais elle avait complètement ignorée la plupart des autres formes russes ainsi que le Titanogorgon maximus de Tanzanie. Elle avait pourtant reclassée Ruhuhucerberus terror comme une espèce endémique du genre Sycosaurus (Titanogorgon et Ruhuhucerberus) furent décrits dans le même article).


Une autre thèse soutenue en 2012 par Luke Norton, et consacrée à la croissance et à la variation crânienne du genre Aelurognathus, conclue à l'existence d'une seule espèce au sein de ce genre (A. tigriceps), là où Eva Gebauer en avait distinguée six.


Ce spécimen (RC 62) était l'holotype de Smilesaurus ferox Broom, 1948, puis il fut renommé Arctops ? ferox par Sigogneau, 1970, puis Aelurognathus ferox par Gebauer, 2007, avant d'être considéré comme l'un des stades ontogénétique d'Aelurognathus tigriceps par Norton, 2012. Ce spécimen (d'une longueur de 30 cm) provient de la Zone à Cistecephalus, Wuchiapingien supérieur = ~ 255 millions d'années.

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L'article d'Eva Gebauer et celui (ci-dessous) de Christian Kammerer ne sont probablement que les premiers d'une longue série d'articles essayant de mettre de l'ordre dans la taxonomie des gorgonopsiens, une première étape obligatoire pour mieux connaître l'histoire biogéographique du groupe.


Kammerer, C.F. (2013). A redescription of Eriphostoma microdon Broom, 1911 (Therapsida, Gorgonopsia) from the Tapinocephalus Assemblage Zone of South Africa and a review of Middle Permian gorgonopsians. In C.F. Kammerer, K.D. Angielczy k, & J. Fröbisch (Eds.), The early evolutionary history of the Synapsida (pp. 171–184). Dordrecht: Springer.

Christian Kammerer redécrit et valide Eriphostoma microdon, l'un des rares gorgonopsiens du Permien moyen, décrit par Robert Broom en 1911. Ce spécimen fut par la suite considéré comme un nomen dubium par de nombreux auteurs. En effet, le spécimen original est constitué de deux fragments (un museau et une portion occipitale) en grande partie non préparés et reliés l'un à l'autre par une masse de plâtre qui masque une partie des éléments présents à la surface de la roche. C'est pourquoi Kammerer a réétudié le fossile à l'aide d'images tomographiques du crâne révélant des détails caractéristiques au niveau du palais de l'animal.

D'après Kammerer, Eriphostoma microdon représente un taxon valide caractérisé par la présence de bosses palatines allongées en forme de delta, lesquelles portent de nombreuses petites dents, et un museau court incliné vers le bas. Parmi les gorgonopsiens Eriphostoma ressemble surtout au Gorgonops torvus dont il peut être distingué par la présence d'une dépression séparant les bosses palatines, de plus grandes fosses pour loger la canine inférieure, un museau plus court et plus haut, et des prémaxillaires plus étroit à leur marge alvéolaire postérieure.

Kammerer a également comparé Eriphostoma aux autres rares gorgonopsiens connus dans la Zone à Tapinocephalus, et notamment avec des crânes plus complets mais non complètement dégagés (et dont le palais n'est pas visible). Ces spécimens présentent une morphologie générale similaire et représentent peut être qu'une seule et même espèce, mais pour le confirmer il faudra que ces spécimens fassent l'objet d'un dégagement plus poussé ou d'études tomographiques.

Pour info, les fossiles de la Zone à Tapinocephalus sont généralement conservés dans une roche extrêmement dure ce qui explique en partie pourquoi nombre de spécimens découverts il y a plus d'un siècle n'ont été, à l'époque, que peu ou pas préparés. Et encore fallait-il que ces spécimens suscitent un nouvel intérêt des chercheurs actuels et que les préparateurs aient le temps de s'en occuper.


L'holotype d'Eriphostoma microdon.


Image tomographique et dessin du crâne d'Eriphostoma en vue latérale.


Image tomographique et dessin du crâne d'Eriphostoma en vue palatale.

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Beau matos !

Inostrancevia est un des plus joli nom donné à une créature préhistorique