Comment un dinosaure peut-il se fossiliser?

Un fossile correspond à tout reste, trace ou moulage d'un organisme ou de son activité. Ainsi, il peut s'agir du squelette d'un dinosaure, de ses organes, de ses plumes, de ses œufs ou excréments, mais aussi du moulage de sa peau ou de ses empreintes.

On retrouve les fossiles la plupart du temps dans des roches sédimentaires, mais cela ne veut pas dire que les fossiles sont des pierres, même si l'on dit parfois qu'ils sont pétrifiés, il s'agit en général de matière qui s'est en grande partie minéralisée, ou encore d'un moulage.

Des conditions particulières

La fossilisation est un phénomène exceptionnel, qui ne se déroule que dans des conditions très particulières. En effet, en temps normal, lorsqu'un animal meurt, il ne se fossilise pas puisque les charognards et les êtres vivants décomposeurs se chargent de recycler rapidement toutes les parties de son organisme, sans compter toutes les transformations chimiques naturelles de la putréfaction. Dans la nature, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme... Pour qu'il reste donc quelque chose à fossiliser, la mort doit avoir lieu dans certaines conditions favorables:

• Le milieu doit être anoxique, c'est-à-dire pauvre en dioxygène, ce qui empêche l'action de la plupart des décomposeurs.
• Le corps doit être enfoui rapidement, recouvert de sédiments.
• Plus les sédiments sont fins, meilleure sera la conservation.

Certains environnements sont donc plus ou moins favorables à la fossilisation. Les forêts tropicales ne le sont pas du tout puisque toute la matière organique y est recyclée très rapidement. Au contraire, la tourbe (milieu très acide), le fond d'une lagune très salée ou d'un lac à proximité d'un volcan cracheur de cendres et de gaz toxiques sont d'excellents milieux.

Reconstitution du gisement d'Angeac-Charente au début du crétacé.
Les sédiments boueux d'une plaine d'inondation ont constitué un milieu propice à la fossilisation il y a environ 140 millions d'années.
Artiste: Mazan.

Processus de fossilisation du corps d'un dinosaure

Il est impossible de généraliser ce qu'il s'est passé pour chacun des fossiles de dinosaures étant donné que les différentes étapes dépendent de l'histoire de chacun des gisements. On peut cependant reconstituer un scénario qui est le plus courant, en se basant sur le fait que la plupart des fossiles de dinosaures ont été découverts dans des milieux terrestres:

• Dès la mort de l'animal, de nombreuses transformations se produisent. Les cellules de l'organisme s'autodétruisent, les tissus mous se liquéfient. La décomposition (putréfaction) se poursuit à cause de l'action des bactéries présentes dans le tube digestif, leur fermentation entraine le gonflement de la carcasse car elles dégagent des gaz comme le méthane et le sulfure d'hydrogène. Les charognards dévorent les cadavres, les insectes rongent les chairs.
• Si la carcasse est restée un moment à l'air libre sans être dévorée par des prédateurs, les tissus vont se mettre à sécher et donc à raccourcir. La rétractation des chairs lors de la dessication est à l'origine de la courbure exagérée du cou en S de certains squelettes de dinosaures (appelée posture opisthotonique). Et comme le corps est, sur l'une des faces, couché vers le sol à l'ombre tandis que l'autre est exposée au soleil, le raccourcissement inégal des tissus peut mener à de fortes déformations.
• La plupart du temps, les parties molles (la matière organique, tous les organes) finissent par disparaitre entièrement. Seules persistent les parties dures de l'organisme (le squelette, les dents). Même la matière organique associée aux parties minéralisées (la trame protidique des os) disparaît, rendant poreuses et cassantes ces parties initialement dures et solides.
• Même pour les ossements, il est rare que la structure minérale d'origine soit conservée. Les dents et les os se transforment en général en apatite (phosphate de calcium): il y a substitution du minéral d'origine par un autre. Il peut également y avoir minéralisation secondaire qui vient compléter les vides existants, notamment si les ossements sont dans un milieu avec circulation de fluides.

Histoire de la fossilisation d'un dinosaure, de sa mort à sa découverte par des paléontologues quelques millions d'années plus tard.
D'après: Elhuyar Fundazioa (CC BY-SA).

Exemples de préservation exceptionnelle de structures chez certains fossiles de dinosaures au crétacé (Jehol, Chine).
(a): plumes de Sapeornis, (b): plumes de Yanornis et écailles sur ses pattes, (c) et (d): membre antérieur (bras) de Hongshanornis en lumière normale et aux UV, révélant de la peau avec des plis, (e): pied de Sapeornis montrant ses coussinets, (f): jabot de Sapeornis contenant des graines (flèche). La barre d'échelle mesure 1 cm.
Source: Chiappe, 2020.

Squelette du dinosaure Compsognathus tel qu'il a été découvert, avec une posture opisthotonique.
Le cou est replié sur lui-même suite à une déformation post mortem. Il s'agit ici du spécimen allemand, mais le phénomène est le même sur le spécimen français, fossilisé dans les mêmes conditions.
Photo: Arnaud Salomé.

L'ensemble des processus pour obtenir un fossile demande du temps, jusqu'à des millions d'années. Les fossiles ne vont pas rester intacts éternellement, ils peuvent subir de nombreux changements (déformations, fragmentation, cristallisations secondaires, etc.) en fonction de l'environnement et des différents événements depuis la mort de l'animal. Les processus de fossilisation et de conservation des fossiles peuvent être très variables d'un gisement à l'autre. Tout cela constitue l'objet d'étude de la taphonomie, nous y reviendrons.

Illustration du titre: Reconstitution hypothétique d'un paysage d'Amérique du nord il y a 66 millions d'années.
Source: Sur les Traces des Dinosaures à Plumes.

Pour en savoir plus

• Dossier: Le gisement de Cherves-de-Cognac
• Ouvrage: Principes de paléontologie, éditions DUNOD, sous la direction de Thierry Tortosa