L'atlatl, ou propulseur.

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Voici un petit sujet sur une arme extraordinaire. Certains le savent mais je suis membre comme d'autres joyeux drilles d'un groupement qui vise à expérimenter à à utiliser des reconstitutions d'armes préhistoriques. Je vais donc une peu parler d'une évolution assez décisive dans les pratiques de chasses du paléolithique. avant cet âge la chasse était pratiquée au moyen de javelots difficiles à lancer à grande distance car très lourd, la chasse était donc une activité de contact, très dangereuse. Je ne vais pas dire que tout va s'améliorer d'un coup avec le propulseur, pourtant je ne suis pas loin de le penser! avec cette arme il est question de propusler une sagaie à des distances phénoménales.
Les excellents tireurs arrivent à être précis à 28 mètres voire 30 et encore assez performant au delà de 50 m! Il est aussi possible de tirer à des distance énormes (record personnel avec matos préhistorique plus de 128 mètres)

Nous sommes vers 20 000 quand cet objet apparait, comme toujours en archéologie on en retourve que des morceaux, ce que l'on appelle des crochets mais qui sont usé au niveau de cette partie justement, de plus beaucoup sont fracturés. Pour savoir ce que ces crochets pouvaient être on doit s'aider de l'ethnologie et là bingo on a des réponses claires, les crochets sont usés car il s'enfoncent dans la partie terminale d'un projectile appellé sagaie et ils sont souvent cassé au manche à cause de la force phénoménale que cet objet permet de déployer. Pour les objets actuels on en trouvent qui sont cassés de la même façon, le doute n'est donc plus permis, ce sont bien des crochets de propulseurs.
Pour le manche, gros problème, on en a pas retrouvé, donc on doit s'inspirer de ceux fabriqué par les peuples traditionnels. Je privilégie les manches en bouleau car cet arbre était un des rare ligneux présent pendant les glaciations (il y a 20000 on est à la fin de la glaciation de würm)
J'ai aussi privilégié le fait de vous montrer les crochets de propulseurs magdalénien que j'ai réalisés car les premiers objets sont beaucoup plus fruste, ceux que je vais vous montré témoigne d'un soucis esthétique qui va bien àau delà du simple plaisir d'employer un bel objet.
Petit rappel, c'est pendant le magdalénien que les hommes vont peindre dans la grotte de Lascaux! cette période s'étend de plus ou moins 20 000 à plus ou moins 12 000.
L'objet illustré est une copie presque exacte d'une pièce préhistorique appellée "faon aux oiseaux", il pourrait s'agir d'un bouquetin avec un petit en train de naître en réalité (comme l'a montré Jean Clottes) mais les interprétations sont nombreuses et pas toujours heureuses! Il semble pourtant bien que ça soit un bouquetin car il y a une rupture entre le front et le commencement du museau caractéristique de ce capridae.



Voilà l'objet réalisé en bois de renne (tout comme l'original) de laponie, particulièrement beau car il était "zoné de veines mauves" que l'on peut voir.
On voit bien la sculpture en ronde bosse très réaliste, et bien sur l'aspect fonctionnel le crochet qui est bien là pour remplir son rôle.
Voici l'original qui a été trouvé au Mas D'azil comme ça vous pourrez comparer et avoir une idée de l'aspect de l'objet à l'origine.
On voit aussi trois perforations oblonges, que j'ai utilisé pour cheviller, ensuite j'ai recouvert le tout avec des tendons de renne, encollés à la colle de peau de renne. Ca tient mieux que de la super glue et on peut moyennant le fait de la chauffer l'enlever facilement. Le plus amusant c'est qu'on en a trouvé plusieurs! comme si ces objets étaient produits en série! Il y avait un modèle de base, avec quelques petites variations mais minimes et on produisait de choses semblables, ce qui montre une certaines uniformité dans le mode de pensée peut etre mais plus encore une grande homogénéité culturelle (comme je l'ai démontré dans mon mémoire de maitrise avec les représentations de poissons dans l'art mobilier des Pyrénées)



Un autre modèle réalisé toujours sur bois de renne, même si l'original est en défense de mammouth. La hyène de la Madeleine (le site qui a donné son nom au magdalénien)



On pourra discuter sur la véritable nature de cet animal qui pourrait aussi bien être un bovidae, mais l'oeuvre originale est assez abîmée car l'ivoire de mammouth en sêchant éclate en plaque comme vous allez le voir sur la photo.
Toutefois l'attitude d'après les spécialistes serait bien celle d'une hyène!



Voilà un moulage de la pièce originale et on voir très bien les "languettes" d'ivoires qui sont partie, la pièce a aussi été cassée au niveau su manche en ivoire, ce qui prouve par plusieurs morceaux retrouvés que c'était là que les contraintes étaient les plus fortes.
Petit détail, j'ai commencé le travail au silex, puis j'ai poursuivi avec des outils modernes, car l'expérimentation avait déjà été réalisée par un de mes collègue et la temps de travail est de plusieurs dizaines d'heures! Pourquoi prennaient t'ils un tel soin sur ces objets nous ne le saurons peut être jamais, en tout cas il y a quand même une chose qu'on peut dire c'est que ces objets témoignent de deux impératifs apparament indiscociables comme dirait Clottes, La fonctionalité et l' esthétique.

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Super dossier gigy ! Comme toujours !

Mais pourquoi ils alliaient justement neauté et esthétisme, si ces objets ne servaient qu'à tuer les proies ?

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N'a-t-on pas associé certains de ces objets, élégamment ouvragés, à des pratiques rituelles également ?

Représenter l'animal (que ce soit sur la paroi d'une grotte ou sur une arme permettant de le tuer) pourrait être un moyen de se "l'approprier", de le "dominer" et rendre la chasse plus fructueuse. C'est une théorie assez répandue sur ces représentations animales.
Mais c'est vrai que sculpter ainsi des objets demande un temps considérable : seulement à savoir si c'était dans un but "religieux" (dans une optique plutôt animiste évidemment), ou bien pour tuer le temps entre 2 chasses, va savoir...

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PS : il serait intéressant de connaître quelles sont les proportions d'objets sculptés ou non. Je veux dire : tous les propulseurs étaient-ils sculptés ? Si non, environ quel pourcentage le sont ?

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Très intéressant cela vous inspire plus que mes silex, lol
allons y répondons par ordre, il est tout à fait possible que ces objets ait été en relation avec des pratiques animistes ou shamaniques. Il n'est pas impossible non plus qu'il s'agisse d'appropriation d'esprit de différents animaux voire d'identification à eux. Mais pour en être certain c'est une autre paire de manche. En tout les cas quand on voit le soin apporté à ces objets et bien que cela n'en améliore pas la fonctionnalité, on ne peut s'empêcher qu'il s'agissait d'une pratique bien ancrée et non ponctuelle mais récurente.

Deuxième chose, le pourcentage je ne le connais pas pour la diachronie, car il s'agit bien de cela, les premiers crochets ne sont pas décorés et sont simple (culture solutréenne) mais quasiment tous je dis bien presque tous les propulseurs magdaléniens étaient décorés de la sorte! d'où l'idée qu'il s'agissait d'une pratique en relation avec la culture magdalénienne.

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Edité le 05/02/2007 à 23:24 par gigy