Les dentistes préhistoriques utilisaient des "fraises"... en silex !
Par Christophe Olry, Futura-Sciences, le 07/04/2006 à 08h22
Vous avez la hantise du dentiste ? Le simple son d'une roulette vous fait sursauter ? Passer à côté d'un chantier vous fait invariablement repenser aux terribles moments que vous avez passés la bouche ouverte ? Alors ayez une pensée émue pour les pauvres hommes préhistoriques, qui étaient à la merci d'une "fraise"… en silex !
8.000 ans avant l'apparition de la Novocaine, et 7.300 ans avant de pouvoir boire une gorgée d'alcool pour soulager leur douleur, les hommes préhistoriques avaient déjà à affronter la peur du dentiste, et à se laisser percer des trous dans l'émail de leurs dents.
En effet, sur les squelettes de trois femmes, de deux hommes et de trois autres individus au sexe indéterminé découverts dans un ancien cimetière du Pakistan, des archéologues ont retrouvé des dents présentant des cavités, visiblement creusées par de petits outils de pierre ou d'os. Les interventions dentaires pratiquées sur ces individus remonteraient à 9.000 ans, soit 30 siècles avant les plus anciennes traces de soins de ce type retrouvées jusque là.
Dans un article paru hier dans la revue Nature, les archéologues ajoutent que l'usure manifeste des dents opérées confirme que les cavités ont été creusées bien avant la mort des patients. Par ailleurs, il ne peut pas non plus s'agir de décorations, car les soins ont été pratiqués sur des molaires et des prémolaires, donc tout au fond de la bouche.
Les pauvres individus passés entre les mains des dentistes préhistoriques avaient manifestement des caries ou des infections de la mâchoire. L'un d'eux s'était vu creuser trois cavités, et la "fraise" du praticien était passée à trois reprises sur la dent d'un autre.
Roberto Macchiarelli, de l'Université de Poitiers, estime que ces opérations devaient être extrêmement douloureuses. Les cavités creusées dans les dents des malades mesurent de 1 à 3 millimètres de diamètre, et entre 0.5 et 3.5 millimètres de profondeur.
Combien de temps duraient ces interventions ? Selon les archéologues, qui ont reconstitué l'opération, probablement pas plus d'une minute. Mais une minute d'atroce souffrance…
Une appréhension à l'idée de rendre visite à votre dentiste ? Songez donc à ces hommes préhistoriques privés d'anesthésie... Une chose est sûre : c'était pour leur bien !
Discussion:
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Posté par Dinomaster
Posté par Spinoroi
Aïe !
Les dentistes modernes existent depuis quand ?
Les dentistes modernes existent depuis quand ?
Posté par Pyroraptor
Des dents de - 7 000 ans portent les traces de perforations.
Une opération dentaire au Néolithique
Le site de Mehrgarh (Balochistan) au Pakistan
Véritable cimetière du néolithique, la nécropole de Mehrgarh est constitiée de 225 sépultures. Les squelettes dégagés ont permis de prélever plus de 4000 dents. Les études de ce matériel nous permettent d'en savoir plus sur le régime et les habitudes alimentaires des hommes du néolithique.
Un régime alimentaire modifié.
Le développement de l'agriculture des céréales de cette époque a eu une incidence non prévue sur la dentition des hommes.
Les céréales, plus riches en sucre ont certainement augmenté le nombre de caries dentaires.
L'utilisation de meules pour écraser les graines ont mélangés des cristaux à la farine consommée. Ces mêmes cristaux se retrouvaient dans l'alimentation des hommes du néolithique et contribuaient à l'abrasation de l'émail protecteur.
Des dents abimés
Sur les 4000 dents retrouvées, 11 présentaient des traces de l'intervention d'un "dentiste" sur l'être humain vivant. Pratiquées à l'aide d'un petit percoir en bois ou en os, les perforations devaient soulager les patients atteints de carie. Les interventions devaient être douloureuses sur le moment mais permettaient au patient de libérer l'inflamation.
Chercheurs
Catherine Jarrige (CNRS) et Roberto Macchiarelli (Université de Poitiers).
Une perforation bien visible
© L. Bondioli (Musée L. Pigorini, Rome) & R. Macchiarelli (Univ. Poitiers)
Reconstitution en 3D
(Bondioli, Museum Pigorini, Rome/ R. Macchiarelli, Univ. de Poitiers
le communiqué complet:
Le texte du communiqué du CNRS
Il y a 9000 ans : les premiers dentistes
Des fouilles réalisées à Mehrgarh, une nécropole du Pakistan datant de 9000 ans, ont révélé les prémices d'une profession encore tout à fait actuelle : celle de dentiste. Ces travaux ont été réalisés par une équipe internationale conduite par la mission archéologique française (CNRS, Musées des arts asiatiques-Guimet). Ils sont publiés dans la revue Nature du 6 avril 2006.
Alors que se mettent en place les débuts d'une économie agricole fondée sur la culture des céréales et sur l'élevage, la vie dans les premiers villages sédentaires de la période néolithique a comporté une détérioration temporaire de l'état de santé général des habitants, en particulier sur le plan de la nutrition. La santé bucco-dentaire a empiré. D'une part, l'emploi de meules pour le traitement des céréales a très largement favorisé le phénomène d'abrasion de l'émail, entraînant des risques pour l'intégrité des dents ; d'autre part, la qualité du nouveau régime alimentaire – plus riche en sucres – a favorisé les processus d'acidification et le développement des caries. Ces deux états pathologiques ont été probablement la cause de nouvelles « typologies de la douleur ».
À Mehrgarh, sur un total de presque 4000 dents provenant de 225 sépultures, 11 cas de perforations dentaires pratiquées in vivo ont été identifiés sur les couronnes de 9 patients adultes, probablement dans un but thérapeutique ou palliatif. La présence de perforations uniquement sur les dents postérieures (molaires supérieures et inférieures) exclut l'intention esthétique de la pratique. Les marges émoussées des perforations confirment qu'après les interventions, les surfaces des dents ont repris leur fonction masticatoire.
Les dentistes préhistoriques utilisaient des techniques identiques à celles de la fabrication des minuscules perles en os, coquillages marins, stéatites, calcites, turquoises, lapis lazuli, utilisés pour les parures trouvées en abondance sur le site. L'instrument principal était un perçoir en bois muni d'une petite pointe en silex, probablement actionné par un archet. Les artisans de Mehrgarh ont excellé dans ces pratiques de perforation, en se montrant capables de produire des perles de 1 mm de diamètre percées de trous de quelques dixièmes de mm.
Les analyses au microscope électronique mettent en évidence qu'après la phase de trépanation, les artisans-dentistes utilisaient parfois des petites lames en pierre comme bistouris et scalpels de précision pour « parachever » l'intervention.
Mais qui étaient ces lointains ancêtres des dentistes d'aujourd'hui ? Dans les premières agglomérations néolithiques, on pratiquait, pour la première fois de façon simultanée, des activités très diverses comme celles de cultivateur de céréales, de pasteur, de potier, de tailleur de pierre, et sans doute de « prêtre ». Dans le cimetière néolithique de Mehrgarh, la variété des objets et des offrandes ensevelies avec les défunts témoigne d'activités comme celles d'éleveur de chèvres, de tailleur de silex. Dans un tel contexte, il est probable que les mauvaises conditions de santé de nombreux membres de la communauté aient fait naître le besoin de « techniciens-thérapeutes », au moins à temps partiel. Ce nouveau rôle impose le transfert du séculaire savoir-faire artisanal vers une « pratique thérapeutique ». Apparemment, l'expérience a été un succès.
Références :
« Early Neolithic tradition of dentistry » par A. Coppa, L. Bondioli, A. Cucina, D.W. Frayer, C. Jarrige, J.-F. Jarrige, G. Quivron, M. Rossi, M. Vidale & R. Macchiarelli. NATURE, vol. 440, 6 avril 2006, pp. 755-756 (+ suppl. infos.)
Une opération dentaire au Néolithique
Le site de Mehrgarh (Balochistan) au Pakistan
Véritable cimetière du néolithique, la nécropole de Mehrgarh est constitiée de 225 sépultures. Les squelettes dégagés ont permis de prélever plus de 4000 dents. Les études de ce matériel nous permettent d'en savoir plus sur le régime et les habitudes alimentaires des hommes du néolithique.
Un régime alimentaire modifié.
Le développement de l'agriculture des céréales de cette époque a eu une incidence non prévue sur la dentition des hommes.
Les céréales, plus riches en sucre ont certainement augmenté le nombre de caries dentaires.
L'utilisation de meules pour écraser les graines ont mélangés des cristaux à la farine consommée. Ces mêmes cristaux se retrouvaient dans l'alimentation des hommes du néolithique et contribuaient à l'abrasation de l'émail protecteur.
Des dents abimés
Sur les 4000 dents retrouvées, 11 présentaient des traces de l'intervention d'un "dentiste" sur l'être humain vivant. Pratiquées à l'aide d'un petit percoir en bois ou en os, les perforations devaient soulager les patients atteints de carie. Les interventions devaient être douloureuses sur le moment mais permettaient au patient de libérer l'inflamation.
Chercheurs
Catherine Jarrige (CNRS) et Roberto Macchiarelli (Université de Poitiers).
Une perforation bien visible
© L. Bondioli (Musée L. Pigorini, Rome) & R. Macchiarelli (Univ. Poitiers)
Reconstitution en 3D
(Bondioli, Museum Pigorini, Rome/ R. Macchiarelli, Univ. de Poitiers
le communiqué complet:
Le texte du communiqué du CNRS
Il y a 9000 ans : les premiers dentistes
Des fouilles réalisées à Mehrgarh, une nécropole du Pakistan datant de 9000 ans, ont révélé les prémices d'une profession encore tout à fait actuelle : celle de dentiste. Ces travaux ont été réalisés par une équipe internationale conduite par la mission archéologique française (CNRS, Musées des arts asiatiques-Guimet). Ils sont publiés dans la revue Nature du 6 avril 2006.
Alors que se mettent en place les débuts d'une économie agricole fondée sur la culture des céréales et sur l'élevage, la vie dans les premiers villages sédentaires de la période néolithique a comporté une détérioration temporaire de l'état de santé général des habitants, en particulier sur le plan de la nutrition. La santé bucco-dentaire a empiré. D'une part, l'emploi de meules pour le traitement des céréales a très largement favorisé le phénomène d'abrasion de l'émail, entraînant des risques pour l'intégrité des dents ; d'autre part, la qualité du nouveau régime alimentaire – plus riche en sucres – a favorisé les processus d'acidification et le développement des caries. Ces deux états pathologiques ont été probablement la cause de nouvelles « typologies de la douleur ».
À Mehrgarh, sur un total de presque 4000 dents provenant de 225 sépultures, 11 cas de perforations dentaires pratiquées in vivo ont été identifiés sur les couronnes de 9 patients adultes, probablement dans un but thérapeutique ou palliatif. La présence de perforations uniquement sur les dents postérieures (molaires supérieures et inférieures) exclut l'intention esthétique de la pratique. Les marges émoussées des perforations confirment qu'après les interventions, les surfaces des dents ont repris leur fonction masticatoire.
Les dentistes préhistoriques utilisaient des techniques identiques à celles de la fabrication des minuscules perles en os, coquillages marins, stéatites, calcites, turquoises, lapis lazuli, utilisés pour les parures trouvées en abondance sur le site. L'instrument principal était un perçoir en bois muni d'une petite pointe en silex, probablement actionné par un archet. Les artisans de Mehrgarh ont excellé dans ces pratiques de perforation, en se montrant capables de produire des perles de 1 mm de diamètre percées de trous de quelques dixièmes de mm.
Les analyses au microscope électronique mettent en évidence qu'après la phase de trépanation, les artisans-dentistes utilisaient parfois des petites lames en pierre comme bistouris et scalpels de précision pour « parachever » l'intervention.
Mais qui étaient ces lointains ancêtres des dentistes d'aujourd'hui ? Dans les premières agglomérations néolithiques, on pratiquait, pour la première fois de façon simultanée, des activités très diverses comme celles de cultivateur de céréales, de pasteur, de potier, de tailleur de pierre, et sans doute de « prêtre ». Dans le cimetière néolithique de Mehrgarh, la variété des objets et des offrandes ensevelies avec les défunts témoigne d'activités comme celles d'éleveur de chèvres, de tailleur de silex. Dans un tel contexte, il est probable que les mauvaises conditions de santé de nombreux membres de la communauté aient fait naître le besoin de « techniciens-thérapeutes », au moins à temps partiel. Ce nouveau rôle impose le transfert du séculaire savoir-faire artisanal vers une « pratique thérapeutique ». Apparemment, l'expérience a été un succès.
Références :
« Early Neolithic tradition of dentistry » par A. Coppa, L. Bondioli, A. Cucina, D.W. Frayer, C. Jarrige, J.-F. Jarrige, G. Quivron, M. Rossi, M. Vidale & R. Macchiarelli. NATURE, vol. 440, 6 avril 2006, pp. 755-756 (+ suppl. infos.)