Les Helicoprionidae et autres grands chondrichtyens du Paléozoïque

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La récente publication sur la nouvelle reconstruction de la mandibule d'Helicoprion m'a donnée envie de parler des grands chondrichtyens du Paléozoïque (essentiellement des eugénéodontiformes avec leur série de dents symphysaire, mais pas seulement). Des animaux qui restent encore mal connus d'un point de vue anatomique et qui sont peu connus du grand public. Ce dernier point est un peu étonnant car parmi ces formes disparues se trouve quelques spécimens imposants dont les dents rivalisaient voire dépassaient en taille celles du Mégalodon du Cénozoïque (on a tendance à être plus facilement fasciné par les grosses bêtes).

J'ai utilisé dans le titre le terme d'Helicoprionidae pour Helicoprion et ses cousins, mais le nom de famille le plus souvent utilisé pour ces animaux est celui d'Agassizodontidae (Zangerl, 1981). Toutefois, Lebedev (2009) indique que le nom Helicoprionidae (Karpinsky, 1911) aurait la priorité car Zangerl n'expliquerait pas les raisons qui justifierait la création d'un autre nom de famille. Entre ces dates, Helicoprion fut aussi classé parmi les Edestidae (Chorn, 1978). Helicoprionidae et Edestidae sont aujourd'hui regroupés dans la superfamille des Edestoidea, (lesquels ont tous en commun des dents symphysaires ayant des bases extrêmement allongées) parmi les eugénéodontiformes. C'est avec les Edestidae que l'on commence les présentations et avec le genre type Edestus un des trois colosses parmi les édestoïdes.

Les restes d'Edestus proviennent du Carbonifère supérieur de Russie, d'Angleterre, du Pays de Galles et surtout des USA (Illinois, Indiana, Iowa, Oklahoma, Missouri, Kentucky, Texas, Michigan, Kansas, Colorado, Dakota du Sud et Wyoming). Un spécimen douteux est également mentionné en Chine. Les fossiles d'Edestus consistent presque exclusivement en des dents isolées ou des séries de dents imbriquées les unes dans les autres. Chaque dent se compose d'une couronne triangulaire comprimée et à bords dentelés rattachées à une base allongée qui se prolonge postérieurement. Derrière les couronnes, les bases présentent un sillon dans lequel vient se loger la base d'une dent plus récente. Une dizaine de dents pouvaient être fonctionnelles en même temps pour former une longue structure ressemblant à une scie plus ou moins arquée selon les individus, l'espèce et la position dans la cavité orale. En effet, on connaît quelques spécimens qui ont confirmés la présence d'une seule rangée dentaire à la mâchoire inférieure comme à la mâchoire supérieure. Il y a un crâne de juvénile mal conservé dans un schiste et aussi des spécimens d'Edestus mirus de l'Iowa dont les deux séries de dents sont étroitement associées. On a constaté que la rangée dentaire de la mâchoire inférieure est plus mince et plus courbée que celle de la mâchoire supérieure. La dentition se renouvelait régulièrement, de nouvelles dents se formaient à l'arrière de la symphyse et poussaient progressivement vers l'avant les dents situées devant elles. Les dents les plus anciennes situées à l'avant de la série symphysaire finissaient donc par tomber.



Schéma montrant comment les bases dentaires s'emboîtaient les unes dans les autres pour former une unique rangée dentaire par mâchoire.



Dent isolée d'Edestus karpinskyi du Carbonifère supérieur de Russie




Edestus mirus du Carbonifère supérieur (Moscovien) de l'Iowa.

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Les chercheurs ont décrits 11 espèces d'Edestus dont plusieurs sont difficiles à distinguer les unes les autres. La diversité de ce genre est peut être moindre car un certain nombre de ces espèces ne sont connues que par un unique spécimen ou une poignée d'individus. On connaît mal leur variation individuelle, leur ontogénie, et les possibles différences entre les dents inférieures et supérieures. De plus, Edestus a une répartition stratigraphique très restreinte, le genre n'a existé que pendant une période de 6 millions d'années environ, entre le Moscovien supérieur et le Kasimovien inférieur, soit à peu près entre 312 et 306 millions d'années. Durant ce "court" laps de temps, le nombre d'espèces d'Edestus fut peut être moins important qu'on ne le pense D'ailleurs, selon Itano et al. (2012) il est possible qu'il n'ait existé que deux espèces au sein du genre.



Edestus heinrichi



Edestus protopirata du Carbonifère supérieur de Russie. Cette espèce fut auparavant nommée Protopirata protopirata. Elle est quasiment impossible à distinguer de certaines espèces américaines.



La taille que pouvait atteindre ces animaux est incertaine. Le plus grand spécimen connu correspond à la moitié d'une rangée dentaire décrite en 1888 sous le nom d'Edestus giganteus. Cette espèce fut considérée par Branson (1964) comme un synonyme junior d'Edestus vorax. De même Itano et al. (2012) indiquent que les dents d'E. giganteus peuvent corresponde à un individu particulièrement mature d'E. heinrichi, lequel deviendrait à son tour un synonyme junior d'E. vorax. A partir de ce spécimen, et en fonction des différentes versions pour reconstituer l'animal, certains ont avancé une taille de 12 m, voire 15 m de long, alors que d'autres estiment une longueur maximum de 6 ou 7 m (un tel spécimen aurait donc des dents plus grosses que celles d'un requin blanc de même taille). On ne sait absolument pas a quoi ressemblait l'animal et les reconstitutions proposées sont toutes très spéculatives et ne sont généralement pas très convaincantes (notamment celles, nombreuses, qui montrent une grande partie des rangées dentaires hors de la cavité orale).



L'holotype d'Edestus giganteus qui est probablement en fait un très gros spécimen d'E. vorax. L'épaisseur des bases dentaires indique qu'il s'agit probablement de la rangée dentaire de la mâchoire supérieure. Le spécimen est incomplet, il manque au moins la moitié de la symphyse.

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Pour avoir une idée des dimensions des dents d'Edestus giganteus, voici un reportage où l'on peut voir le spécimen être manipulé au début de la vidéo :

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=cFEqenYnLjc



Un autre spécimen de grande taille a été découvert en 2011 dans le Kentucky ; comme le type d'Edestus giganteus (qui reste le plus grand spécimen connu) cet exemplaire montre une base dentaire très épaisse.


Le spécimen d'Edestus découvert en 2011.

Si il est évident que les dents à bords denticulés pouvaient nettement trancher les chairs de ses victimes, on ne sait pas encore très bien comment il se servait de ses mâchoires (ni même qu'elles étaient ses proies, sans doute des gros poissons et/ou des céphalopodes sans coquilles). Plusieurs auteurs ont suggérés que l'animal utilisait ses rangées dentaires comme une paire de ciseaux géants. Récemment, Itano a proposé l'idée que l'action tranchante était effectuée avec un mouvement vertical de la tête, les mâchoires refermées sur sa proie et non pas avec une action en cisaille des mâchoires. Le poids important de la base dentaire de la mâchoire supérieure aurait également joué un rôle dans l'efficacité des dents à trancher une proie par le simple effet de masse.




Edestus giganteus vu par Ray Troll

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On continu avec Helicoprion, une forme caractérisée par sa dentition composée de 135 à 180 dents rattachées à une base unique qui s'enroule sur elle-même. Les dents les plus anciennes, donc les plus petites, sont situées dan les tours les plus internes de la spirale. Les premières dents étaient dépourvues de serrassions, lesquelles n'apparaissaient qu'entre la 70ème et la 80ème dent de la série.



Spirale dentaire d'Helicoprion bessonowi du Permien inférieur (Artinskien) de Russie. Cette espèce est également connue dans l'Artinskien du Kazakhstan et du Japon (Lebedev, 2009, Yabe, 1903)



Les fossiles d'Helicoprion présentent une vaste répartition géographique, ils proviennent de nombreuses régions des USA (Texas, Californie, Nevada, Idaho, Wyoming) et du Canada (Alberta, Colombie-Britannique et régions arctiques : Ile d'Ellesmere et Ile de Melville), et on en a trouvé aussi au Mexique, en Russie, au Kazakhstan, au Japon, au Laos, en Iran, au Spitzberg, en Australie et en Chine. Ils ont été signalés dans des niveaux s'étalant du Carbonifère supérieur au Trias inférieur. Cependant, les spécimens du Carbonifère de Russie et des USA ont été placés par la suite dans un genre distinct (Campyloprion), tandis que l'âge Carbonifère des spécimens australiens a été mis en cause (car ils n'ont pas été trouvés in situ) et sont aujourd'hui considérés comme datant de la seconde moitié du Permien inférieur (Artinskien). Il en est de même du spécimen du Trias inférieur. La répartition stratigraphique d'Helicoprion est donc restreinte au Permien inférieur et moyen. Le spécimen le plus ancien vient du Sakmarien du Texas (encore que l'âge de la Formation Skinner Ranch qui a livrée ce spécimen pourrait en fait être un peu plus jeune), les plus récents datent de la fin du Permien moyen (Capitanien) du Japon.


Helicoprion sp. du Permien inférieur de l'Arctique Canadien (Ile d'Ellesmere)


Fragment de spirale dentaire d'Helicoprion davisii du Permien inférieur (Artinskien) d'Australie. Ce spécimen fut décrit par Woodward en 1886 qui le classa dans le genre Edestus. Il fit partie des représentant du genre dont on a pensé qu'il datait du Carbonifère supérieur. Un spécimen de l'Artinskien d'Iran fut décrit comme Helicoprion cf. davisii (Douglas, 1950).


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Edité le 15/04/2013 à 08:58 par croc en stock

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Ce spécimen attribué à l'espèce Helicoprion ferrieri provient de la Skinner Ranch Formation au Texas. Il est généralement considéré comme l'un des plus anciens spécimens du genre avec un âge Sakmarien (mais un âge plus récent, Artinskien ou Kungurien, n'est pas exclu).



Helicoprion sp. du Permien moyen (Capitanien) du Japon (Kesennuma City, Miyagi Prefecture). Il s'agit du spécimen le plus récent du genre daté par une faune de goniatites (Araki, 1980 ; Ehiro et Araki, 1997)

Les reconstitutions les plus récentes d'Helicoprion montraient l'animal avec la spirale dentaire située à l'extrémité d'une mâchoire inférieure allongée (peut être inspiré du Sarcoprion). Elles montraient également une mâchoire supérieure allongée garnie de petites dents. Ces reconstitutions se fondaient aussi sur la fréquente association de dents connues sous le nom de Campodus avec les restes d'Helicoprion mais aussi avec ceux d'Edestus. Quelques chercheurs ont suggérés que les dents de Campodus pouvaient faire partie de la dentition latérale de ces edestoïdes. Mais en 2013, l'étude d'un spécimen conservé avec des restes de cartilage a montrée qu'Helicoprion avait des mâchoires plus courtes, avec la spirale dentaire occupant toute la longueur de la mandibule (où elle était en grande partie enchâssée dans du cartilage), tandis que la mâchoire supérieure semble dépourvue de dents (pour en savoir plus sur cette étude).


Nouvelle reconstitution d'Helicoprion par Ray Troll.


Une dizaine d'espèces d'Helicoprion sont actuellement connues, la plupart nommées à partir d'une poignée de spécimens. Récemment, Pruitt et al. (2011) ont réalisés une analyse morphométrique des spécimens assez nombreux provenant de la Phosphoria Formation dans l'Idaho. Leurs résultats indiquent deux choses, d'abord, ils ont constatés que la variation morphologique de ces spécimens recouvre la gamme de morphologie de certaines espèces connues ailleurs. Ce qui amène à douter de la validité de certaines espèces dont une révision serait nécessaire. La seconde chose c'est que leur analyse révèle aussi la présence de deux espèces d'Helicoprion dans l'échantillonnage de la Phosphoria Formation. L'une des deux étant une nouvelle espèce particulièrement imposante avec une spirale dentaire de 45 cm de diamètre et des dents atteignant 10 cm de hauteur. Elle se caractériserait entre autre par un nombre inférieur de dents dans la spirale dentaire par rapport à la seconde espèce deux fois plus petite du même gisement. Tapanila rapporte qu'une autre spirale dentaire de cette espèce, conservée avec des restes de cartilage, mesure deux pieds de large soit une soixantaine de cm. La taille de cette espèce est estimée entre 10 et 12 m de long.

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Parmi les plus proches parents d'Helicoprion il y a le genre Campyloprion du Carbonifère supérieur qui possède des dents très similaires à celles d'Helicoprion, mais contrairement à ce dernier, elles ne forment pas une spirale. Les premiers spécimens décrits de Campyloprion étaient des fragments ne comptant que quelques dents, ce qui explique qu'ils furent à l'origine décrits comme de nouvelles espèces d'Helicoprion (et des représentant Carbonifère du genre).




Holotype de Campyloprion ivanovi du Carbonifère terminal (Gzhélien) de Russie



Campyloprion ivanovi du Carbonifère supérieur (Gzhélien) de Russie



Une autre forme plus proche encore d'Helicoprion et assez peu connue, est Shaktauites seywi du Permien inférieur (Sakmarien) de Russie (carrière Shakh-Tau près de Sterlitamak au Bashkortostan). Cette espèce n'est connue que par un unique spécimen incomplet qui diffère d'Helicoprion par un degré d'enroulement moins important de la spirale et un nombre inférieur de dents.


Fragment de spirale dentaire de Shaktauites seywi du Permien inférieur (Sakmarien) de Russie.

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Le troisième géant parmi les edestoïdes appartient au genre Parahelicoprion, qui possède des dents particulièrement longues et à peine courbées. Le genre comprend deux espèces, Parahelicoprion clerci de l'Artinskien de Russie et P. mariosuarezi du Kungurien de Bolivie (l'un des rares edestoïdes trouvé en Amérique du Sud). Et c'est justement l'espèce bolivienne qui est représentée par un très gros spécimen. Je n'ai vu qu'une illustration de cet exemplaire et il semble malheureusement incomplet. Le sommet de la plupart des couronnes est brisé. D'après la barre d'échelle, si les dents étaient complètes, les plus grandes mesureraient entre 15 et 17 cm de hauteur (dans le film sur Edestus vu plus haut, bien que Parahelicoprion ne soit pas nommé, il est fait mention de dents de 9 pouces soit près de 23 cm). Ce sont les plus grandes dents de chondrichtyens du Paléozoïque, qui déjà avec une quinzaine de cm, rivalisent en taille avec nombre de dents du Megalodon du Cénozoïque. Et si la taille de 23 cm venait à être confirmée elles seraient les plus grosses dents de chondrichtyens toute époque confondues. Alors que l'on connaît des milliers de dents de Megalodon trouvées dans le monde entier (dans des terrains qui s'étalent sur plus d'une vingtaine de millions d'années) qui permettent d'avoir une bonne idée des dimensions maximales de ses dents, on ne dispose que d'un seul spécimen de P. mariosuarezi. On ne peut pas dire si cet individu avait atteint la limite de taille que pouvait atteindre l'espèce. D'ailleurs, quelles étaient les dimensions de cet animal ? Comme pour le Megalodon, certains (des non scientifiques) ont avancés une taille fantaisiste de 30 m de long. A l'opposé, on a proposé une taille de "seulement" 5 m de long pour un animal qui aurait de très grosses dents par rapport à la taille de son corps. D'autres encore donnent une fourchette de 10 à 15 m de long. En fait on en sait rien, ça dépend aussi de la morphologie de son corps qui nous est inconnu. Par exemple avait-il des mâchoires allongées comme le Sarcoprion ou des mâchoires plus courtes comme chez Helicoprion. Sans crâne complet il est difficile de répondre.




Holotype de Parahelicoprion clerci du Permien inférieur (Artinskien) de Russie.


Dents de Parahelicoprion clerci en coupe transversale et en vue latérale.



Reconstitution de la série de dents symphysaires de Parahelicoprion mariosuarezi du Permien inférieur (Kungurien) de la Formation Copacabana en Bolivie.

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Il existe un autre edestoïde en provenance d'Amérique du Sud, mais il est tellement peu connu que même les bouquins spécialisés et les articles scientifiques traitant des Edestidae et des Helicoprionidae oublient de mentionner cette espèce. Il s'agit d'Anisopleurodontis pricei du Permien supérieur du Bassin de Parnaíba au Brésil (connu pour avoir livré l'amphibien géant Prionosuchus). Cette formation fut d'abord considérée comme datant du Permien inférieur pour sa seule ressemblance avec les lits rouges du Texas. Elle fut par la suite assignée au Permien supérieur. Anisopleurodontis fut décrit en 1994 à partir de quelques dents seulement. En 2012, de nouvelles fouilles organisées dans le Basin de Parnaíba ont livrées de nombreuses dents de l'animal dont une série appartenant probablement à un même individu. Ces dents sont assez grandes, conique et fortement ornementées de rides ou de crêtes. Elles semblent faites pour transpercer, et certaines présentes des facettes d'usures indiquant que l'animal pouvait s'en prendre à des proies pourvues de carapaces et/ou de coquilles. Les chercheurs qui ont trouvés ces nouvelles dents estiment que si l'animal avait une grosse tête par rapport à la taille du corps (comme les euchondrocéphales actuels), il ne devait mesurer que 2 ou 3 m de long. Mais en fait on en sait rien. Il va falloir attendre la description de ces nouvelles dents pour en savoir un peu plus sur cet animal.






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A côté des Edestoides, un autre groupe d'euchondrocéphale permien, celui des Pétalodontiformes, a produit un gros prédateur à la morphologie dentaire très particulière. Les Pétalodontiformes étaient des animaux dont la dentition indique qu'ils devaient être essentiellement des brouteurs/broyeurs de coraux et de brachiopodes. De très rares spécimens complets montrent des animaux à la morphologie variée. Les Janassidae ressemblaient à des raies avec un corps dorsoventralement aplati et leurs dents étaient regroupées en batteries broyeuses. Les Belantseidae avaient un corps haut comprimé latéralement et leurs grosses dents situées à l'extrémité de la gueule évoquaient une sorte de bec comme chez certains poissons actuels. Les autres groupes ne sont connus que par leurs dents, tels les Petalodontidae qui possédaient près d'une dizaine de grandes dents à la mâchoire supérieure et inférieure, de formes triangulaires ou plates.

Les pétalodontiformes avaient eux aussi leur représentant géant (qui est toutefois bien plus petit que les édestoïdes vus plus haut), il s'agit de Megactenopetalus kaibabanus de la famille des Pristodontidae. Les rares fossiles de l'animal proviennent du Permien inférieur (Kungurien) des USA (Arizona, Nouveau-Mexique, Texas) et de Bolivie (Megactenopetalus sp.), ainsi que du Permien supérieur d'Iran et de Chine.

La dentition de Megactenopetalus est hautement spécialisée et ne comporte à la mâchoire supérieure qu'une seule dent à multiples cuspides (10 à 14). Cette dent forme un arc pouvant atteindre 20 cm de large. La mâchoire inférieure ne possède également qu'une seule large dent à cuspide unique qui vient se loger dans une encoche sur le côté lingual de la dent supérieure. En 1976, Ossian considérait que l'animal devait se nourrir d'invertébrés comme les autres pétalodontiformes. Puis en 1978, Hansen réinterpréta Megactenopetalus comme un prédateur actif. En 2011, Hodnett et al. ont une vision un peu différente de l'animal. Si ils précisent que effectivement les arrêtes tranchantes des cuspides supérieures et inférieure, ainsi que la morphologie en lame de la dent inférieure suggèrent que la dentition servait plutôt à couper de la chair plutôt qu'a broyer des coquillages, ces derniers auteurs voient plutôt l'animal comme un ambush predator et un nageur lent (en se basant sur les autres pétalodontiformes dont le corps est connu). La taille de l'animal est estimée à plus de 3 m.



Holotype de Megactenopetalus kaibabanus (la moitié d'une dent supérieure) du Permien inférieur de la Kaibab Formation (ça ne s'invente pas), Arizona.



Dents de Megactenopetalus kaibabanus.

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Dents supérieure et inférieure de Megactenopetalus, avec une reconstitution spéculative de la tête de l'animal.


Reconstitution spéculative d'un Megactenopetalus kaibabanus attaquant un cochliodonte.




Les Euchondrocéphales n'étaient pas les seuls grands chondrichtyens du Paléozoïque, chez les requins aussi existait des formes de grandes tailles. La Kaibab Formation à livrée l'un des plus grand d'entre eux, le Cténacanthiforme Kaibabvenator swiftae (décrit en 2012). Les dents de ce requin peuvent dépasser les 3 cm de large, ce qui n'est pas énorme. Mais en se basant sur le rapport taille des dents/dimensions du corps connu chez les Cténacanthiformes complets et plus petits, le Kaibabvenator devait mesurer entre 5 et 6 m de long.



Dents de Kaibabvenator swiftae du Permien inférieur (Kungurien) de la Kaibab Formation en Arizona.



Silhouette de Kaibabvenator swiftae comparée a celle d'un requin blanc actuel. Kaibabvenator possède des dents plus petites que celles d'un requin blanc de même longueur.

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Références :

Pour Helicoprion :


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Pour les autres Helicoprionidae et Edestidae :

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Pour Megatenopetalus et Kaibabvenator :


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Young C. C. (1950) Notes on the first occurence of the orde Bradyodonti in China. – Sci. Rec., 3 (2-3), p. 243-246

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Merci croc, t'es franchement trop cool ! Je viens de trouver ma lecture de ce soir ^^ Tu as du passer un temps monstre à réunir toutes ces informations ! Chapeau ! ...

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Merci!

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En fait, ça fait longtemps que je m'intéresse à ces chondrichtyens et j'ai donc eu le temps de rassembler des infos sur eux. C'est juste la sortie de l'article sur la nouvelle reconstruction de la mâchoire d'Helicoprion qui m'a incité a faire ce topic.

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Edité le 13/04/2013 à 21:16 par croc en stock

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Merci pour toutes ces infos sur ce groupe passionnant, Croc, j'avais déjà lu deux trois petites choses sur ces étonnantes bestioles mais rien d'aussi précis.

Petite précision pour les plus jeunes: en dépit des apparences ces animaux ne sont pas étroitement apparentés à nos requins actuels: ce sont, comme tu l'as dit, des Euchondrocéphales, groupe existant encore actuellement mais bien moins imposant qu'au Paléozoïque: ce sont les chimères, ex: Chimaera monstruosa:
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De nombreux caractères rapprochent les Eugénéodontiformes de ces chimères, comme la mâchoire supérieure soudée au neurocrâne (et non mobile comme chez les requins actuels)

Et quand tu cites d'autres Chondrichthyens paléozoïques de grande taille, il y a aussi des Xénacanthes, comme Xenacanthus de taille plurimétrique. Ces requins, probablement d'eau douce pour beaucoup d'entre eux, étaient dotés d'une nageaoire caudale très longue et effilée, ils ressemblaient de façon superficielle à des dipneustes.
Comme eux on pense qu'ils vivaient dans des marais, ce qui peut surprendre pour des requins. Les marais sont des eaux pauvres en O2, et contrairement aux dipneustes actuels ces requins n'avaient pas de poumons.
Ils se caractérisent par des dents en tapis roulant articulées entre elles.

Pour revenir aux Eugénéodontes, je souhaitetais savoir si on a des idées précises sur la fonctionnalité de ces dents symphysaires. Certains livres évoquent un rôle dans la prédation, par exemple pour blesser des animaux à coquille dures comme les Goniatites en les chargeant comme avec un bélier. Perso j'ai du mal à l'envisager...

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Tu as bien fait de rajouter les Xénacanthes vu leur milieu de vie particulier. En fait ma présentation de ces animaux n'est pas exhaustive, il y en a d'autres dont je n'ai pas parlé comme le requin enclume Stetacanthus ou Akmonistion qui pouvait dépasser 3 m de long ou encore d'autres edestoïdes comme Helicampodus du Permo-Trias, Hunanohelicoprion et peut être Sinohelicoprion si ce dernier genre est encore valide. Deux des trois espèces de Sinohelicoprion (dont l'espèce type) ont en effet été reversées dans le genre Helicampodus.

Pour ce qui est de la prédation sur des goniatites je n'y crois pas trop non plus. La majorité des goniatites étaient trop petites pour que des gros edestoïdes comme Helicoprion et Parahelicoprion se servent de leurs dents pour briser ou empaler leurs coquilles. La taille moyenne des goniatites est nettement inférieure à la taille moyenne des ammonites du Mésozoique. Au Permien, les très rares goniatites que l'on considère être des géantes atteignaient 15 à 20 cm de diamètre. Les spécimens plus grands restent exceptionnels, la plus grande espèce permienne (Metalegoceras crenatum de l'arctique canadien) devait mesurer 60 cm de diamètre si la coquille était complète (ce gros spécimen est représenté par un phragmocône de 40 cm). Ensuite, les dents de ces chondrichtyens ne présentent généralement pas de marque d'usure du à une prédation sur des proies à coquilles. Et même si ces edestoïdes auraient tentés de séparer les parties molles de la coquille de ces céphalopodes, leurs dents auraient été à un moment ou un autre en contact avec la coquille et des marques d'usures devraient être fréquentes ce qui n'est pas le cas. C'est pour ça qu'il est suggéré une possible prédation sur des animaux sans coquilles comme par exemple de gros céphalopodes de type calmar qui n'ont pas laissés de fossiles. La fermeture de la mâchoire, entraînant un mouvement de rotation des dents, suffisait peut être à trancher de telles proies à corps mous et pourrait expliquer l'absence de dents à la mâchoire supérieure chez des animaux comme Helicoprion.

Après il est possible que certaines espèces se soient nourries différemment au cours des différents stades de leur vie. Par exemple chez Helicoprion les dents étaient dépourvues de serrassions jusqu'à un certain âge. Chez le petit Toxoprion, les dents antérieures sont basses et arrondies, alors que les postérieures sont hautes, pointues et crénelées. Ce qui suggère que l'animal est passé au cours de sa croissance, d'un régime alimentaire durophage à un régime alimentaire carnassier.


Série de dents symphysaire de Toxoprion lecontei du Carbonifère supérieur du Nevada. Barre d'échelle : 2 cm


Des animaux comme Edestus devaient se servir de leur mâchoire comme d'un étau, ils devaient déchirer leur proie en secouant la tête de haut en bas.

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Croc, t'es un chef, passionnante contribution sur des animaux encore bien méconnus, même chez les amateurs de requins.