Ceux qui ont reçu la lettre d'information de DINOSAURIA, l'association du musée des dinosaures d'Espéraza, ou qui sont passés cet été sur le chantier de fouilles de Bellevue (Aude, France) ont pu voir que
le dégagement du squelette français le plus complet a enfin eu lieu!Et c'est peu dire que la tâche a été titanesque: le squelette a commencé à sortir de terre en 2001, mais c'est au cours de la campagne de fouilles de 2002 puis 2003 que l'étendue du squelette s'est révélée: il s'agit d'un squelette quasiment complet d'
Ampelosaurus, un Titanosaure mort il y a 70 millions d'années. Il a été baptisé "Eva", du nom de l'étudiante rennaise qui est la première tombée dessus...
Ses ossements sont répartis sur une vingtaine de mètres carrés. De son vivant, ce spécimen devait mesurer une douzaine de mètres, être haut de 2,5 m et peser approximativement entre 10 et 15 tonnes... il ne devait donc s'agir "que" d'un(e) adolescent(e) de son espèce...
Tout irait bien si le sédiment dans lequel il s'est enfoui était facile à dégager, comme ce que l'on voit dans Jurassic Park. Mais la réalité est loin de la fiction, puisque la roche qui contient les fossiles est ici un mélange de marnes et de grès consolidés, typiques des roches de l'ancien lit d'une rivière. La roche est donc très dure et le dégagement des ossements ne peut se faire qu'au marteau et au burin. Tout l'art consiste à casser du caillou sans casser les os qui y sont inclus, sous peine de détruire un patrimoine unique au monde... Et histoire de compliquer encore la tâche, les os de ce squelette forment un véritable enchevêtrement: à chaque fois que les fouilleurs voulaient dégager l'un des os, ils tombaient sur un tas d'os autour!
Comment alors dégager sans risque le fossile pour l'étudier en détail?
Le chantier de fouilles de Bellevue cette année, autour du squelette d'Eva
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Dès sa découverte, Jean Le Loeuff, le directeur des fouilles et du
musée des dinosaures d'Espéraza, envisage alors toutes les solutions possibles:
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soit ne pas déplacer le squelette, mais amener le musée jusqu'à lui, en aménageant un bâtiment autour du squelette. Une solution très coûteuse et qui empêcherait la poursuite des fouilles telles qu'actuellement...
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soit faire appel à l'armée pour faire venir un hélicoptère capable de transporter le bloc contenant Eva, et ses centaines de tonnes... Une solution qui n'est pas sans risque puisqu'il est impossible de savoir vraiment le poids à porter et on n'ose imaginer ce qu'il se passerait si le bloc se cassait en cours de route!
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soit essayer de découper l'ensemble du bloc contenant le squelette en blocs transportables...C'est finalement la dernière solution qui a été retenue et menée à bien cet été, méthode moins coûteuse, un peu plus sûre et plus facile à contrôler. Inconvénient, il a fallu attendre jusqu'à cette année pour mettre les ossements à l'abri. Espérons que ces fossiles, très fragiles, n'auront pas trop souffert.
Résultat, la surface a été découpée en 7 blocs principaux, dont le plus gros mesure près de 2,5 mètres sur 1,5 mètre! En dessous, des tunnels ont été progressivement creusés et le tout recouvert de plâtre renforcé de planches et de chevrons pour un transport sans risque.
Au total, 5 tonnes de cailloux truffés de précieux ossements sont arrivés au laboratoire. Encore quelques milliers d'heures de travail minutieux seront nécessaires pour dégager l'ensemble des os. Le laboratoire doit en attendant être restructuré pour faire face à tout ce travail.
Si tout va bien, dans quelques années, on verra enfin le squelette dans le musée!D'ailleurs, Eva et les autres fossiles du musée des dinosaures d'Espéraza devraient enfin avoir un espace digne de ce nom, puisque des travaux en cours sont menés pour agrandire le musée et en faire un pôle scientifique européen. L'histoire de ces travaux dure depuis de nombreuses années et est digne d'un mauvais feuilleton à rebondissements. Quand ce ne sont pas les crédits qui manquent, ce sont les démarches qui n'en finissent plus. Dernier épisode en date: après la reprise des travaux en juin, c'est la société de construction qui a fait faillite, engendrant un arrêt des travaux au mois d'Août. La reprise des travaux est prévue au mois d'octobre, pour une ouverture du grand musée au printemps prochain.
Mais la bonne nouvelle du dégagement d'Eva en cache une autre, puisque le scénario s'est à nouveau répété: en creusant les tranchées pour isoler les blocs de roche,
les fouilleurs sont encore tombés sur une couche contenant de très gros ossements! Ces fossiles n'appartiennent pas à Eva, ils sont dans une couche à 80cm sous le squelette. S'agit-il à nouveau d'un squelette complet d'
Ampelosaure? Il faudra attendre la reprise des fouilles en juillet prochain pour le savoir...
Le paléontologue Jean Le Loeuff parmi les fouilleurs bénévoles, une équipe de choc!
Un salut en particulier à Lionel...
Site internet du musée des dinosaures d'Espéraza
Source: Dinosauria
Pour en savoir plus: Informations complémentaires sur l'Ampélosaure