La vertèbre d'un dinosaure géant découverte en Charente
Jean-François Tournepiche avec la vertèbre de dinosaure: énorme ! • photo Phil Messelet Jean-François Tournepiche avec la vertèbre de dinosaure: énorme ! • photo Phil Messelet
Exposée au musée d'Angoulême, la vertèbre de Graves-Saint-Amant constitueune découverte sans précédent dans l'univers des dinosaures du jurassique
Patrick SERVANT
Barapasaurus, shunosaurus, cetiosaurus, brachiosaurus, patagosaurus? Peut-être. Ce qui est sûr, c'est qu'on en connaissait des imposantes, mais comme celles-ci jamais! Imaginez une vertèbre de 35 à 40 centimètres de diamètre, épaisse d'au moins vingt centimètres. «Un spécimen rarissime», selon le spécialiste de la paléontologie Jean-François Tournepiche, conservateur au musée d'Angoulême, qui tient en main à titre comparatif une vertèbre de mammouth. Ridicule à côté...
La découverte est d'importance. Elle remonte à la fin de l'été. Dans une carrière qu'exploite la société Audoin, à Graves-Saint-Amant. Une gravière dont les sédiments datent de 120 à 130.000 ans de laquelle les pelleteuses font remonter très régulièrement des fossiles, évidemment beaucoup moins anciens puisque datés de l'ère secondaire. «Quand Mickaël Calderon, le responsable technique de la carrière, est venu me présenter ce qui avait été trouvé, je me suis posé bien des questions, explique Jean-François Tourenepiche. Un mammouth? Impossible, trop gros. Une baleine? Pas la même morphologie. Alors, un reptile? Oui, mais un gigantesque, genre dinosaure.»
Un cousin charentais
de l'énorme diplodocus
Jean-François Tournepiche alerte l'un de ses amis, Didier Néraudeau, qui est paléontologue à l'université de Rennes 1. Et lui envoie des photos de la fameuse vertèbre sous toutes ses coutures. Sans aucun doute, il s'agit bien d'une vertèbre de sauropode, l'un des plus grands dinosaures que la terre n'ait jamais porté. Ces géants (• repro CL) à toute petite tête perchée au bout d'un long cou, sans doute herbivores, dotés d'un corps long et épais, de jambes massives en forme de pilier, de pieds à cinq doigts et d'une queue longue et épaisse, 30 mètres de long, 8 ou 10 mètres de haut, 25 à 30 tonnes sur la balance... Le spécimen parfait pour tourner dans «Jurassic Park», proche cousin à la mode de Charente du très célèbre diplodocus, vénérable ancêtre qui vivait aux Etats-Unis au jurassique supérieur (156-144 millions d'années).
Prudent, Jean-François Tournepiche ne se hasarde pas à une datation aussi précise. «Nul doute en revanche sur l'ère concernée: nous sommes bien en plein jurassique. Même si la vertèbre a été retrouvée dans des alluvions vieilles de 120 à 130.000 ans. A cet endroit-là, la Charente, qui depuis a migré, charriait des tonnes d'alluvions décrochées du substrat de l'ère secondaire un peu plus en amont. Sans doute pas très loin d'ailleurs vu l'excellent état de conservation de la vertèbre: elle n'a pas beaucoup voyagé. L'analyse d'un petit morceau de calcaire qui est accroché à la vertèbre devrait nous le confirmer. Pour l'instant, on peut seulement dire que cette vertèbre appartient à un dinosaure qui vivait là dans une fourchette qui va de 80 à 150 millions d'années, à une époque très tropicale, avec des eaux qui étaient à 28 degrés.» Jean-Marie et Vincent Audoin acquiescent: «Ce genre de calcaire un peu jaune, on le trouve à 1,5 km en amont de la carrière où on a trouvé la vertèbre.»
En attendant le chantier
de la LGV
L'espoir est donc grand de découvrir d'autres ossements du même dinosaure - ou d'individus de la même «tribu» - dans le même secteur géographique. «D'autant que l'an passé, reprend Jean-François Tournepiche, un chercheur amateur nous a amené un métatarsien [os du pied, NDLR] ou un métacarpien [os de la main] qui provient du même secteur.» L'os vedette va être exposé un mois durant au musée d'Angoulême, après quoi il partira à Rennes pour être analysé et étudié.
«Avec le gisement lui aussi exceptionnel de Cherves, reprend Jean-François Tournepiche, qui a livré au moins une trentaine d'espèces différentes, requins, poissons, reptiles terrestres, reptiles volants, dinosaures, crocodiles, lézards..., tous datés de 145 millions d'années, la Charente confirme être un haut lieu international de la paléontologie de l'ère secondaire». Le chercheur croise les doigts: avec le chantier de la ligne à grande vitesse (LGV) qui va s'ouvrir d'ici un ou deux ans, ce sont 140 à 150 km de tranchée que lui et ses collègues vont pouvoir étudier de près. Une mine fabuleuse, si le géant du BTP qui sera retenu par Réseau ferré de France leur laisse une petite place pour fouiller.
Patrick SERVANT
Charente Libre