Albertosaurus est un cousin du T. rex
Physiquement, Albertosaurus est un membre incontestable de la famille des Tyrannosauridés: il possédait une tête énorme, avec de longues dents tranchantes et des yeux vers l'avant (vision 3D possible); des membres supérieurs courts par rapport à son corps... Il possède cependant un corps relativement gracile, ce qui devait lui permettre d'être un chasseur efficace.
D'après la position des ossements découverts, on suppose que ses petits bras pouvaient lui servir d'appui pour se relever lorsqu'il était couché sur le ventre et lui permettaient d'agripper ses proies, avec l'aide de ses deux doigts griffus.
Squelettes d'Albertosaurus (à gauche) et Carnotaurus lors d'une exposition au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris en 2010.
Le crocodile Deinosuchus, caché dans un marécage, s'attaque au dinosaure Albertosaurus: une peinture numérique de Raul Martin, pour le National Geographic Magazine. Cette scène a été reconstituée à partir d'une découverte par le paléontologue David R. Schwimmer de traces de morsure d'un Deinosuchus (un crocodile qui pouvait faire dans les 9 mètres de long) sur des ossements d'un Albertosaurus et d'un Appalachiosaurus montgomeriensis. L'une des traces a cicatrisé, ce qui montre que la proie a survécu.
Des ossements qui renseignent sur son mode de vie
De très nombreux restes fossilisés d'Albertosaurus ont été découverts. En effet, dès 1910, une équipe de l'American Museum of Natural History a découvert un bonebed
, un gisement d'ossements composé principalement de restes d'Albertosaurus sarcophagus, dans l'actuel territoire du parc provincial de Dry Island Buffalo Jump, en Alberta (Canada). Ce gisement a été de nouveau étudié à partir de 1997. Selon l'accumulation des fossiles de ce gisment (au moins 26 individus), il est possible qu'Albertosaurus vivait ou chassait en groupe.
L'étude histologique des nombreux ossements d'Albertosaurus montre qu'il devait avoir une croissance relativement rapide, mais qui ralentissait vers l'âge de 15 ans, au moment de la maturité sexuelle, un âge où la mortalité augmente de façon importante. Son espérance de vie devait être d'une trentaine d'années.
En 2017, des empreintes fossilisées de peau d'Albertosaurus ont été décrites pour la première fois. Elles révèlent, de manière similaire au T.rex, la présence de plusieurs motifs d'écailles sur au moins son ventre et ses flancs, et l'absence de plumes contrairement à certains tyrannosauroïdes plus basaux (Dilong et Yutyrannus du Crétacé inf. en Chine, le dernier étant de taille similaire à Albertosaurus). Il n'est d'ailleurs pas exclu que les écailles des tyrannosauridés soient dérivées des plumes des tyrannosauroïdes ancestraux, tout comme les écailles des pattes des oiseaux actuels sont des plumes dérivées. Chez les gros dinosaures comme Albertosaurus, les plumes ne sont de toute façon plus nécessaires pour limiter leurs pertes de chaleur, leur taille suffit (gigantothermie
), surtout lorsqu'ils vivent dans des régions relativement chaudes et qu'ils possèdent de bonnes capacités de course.
Dent d'Albertosaurus au Muséum d'Histoire Naturelle de Nantes. Photo: Arnaud Salomé - DinoNews.net.
Une étude de 2021 sur ses capacités de morsure montre que l'extrémité antérieure des mâchoires jouait un rôle important dans la capture et la manipulation des proies. La région symphysaire des albertosaurinés était mieux adaptée à résister aux contraintes en torsion que celle de la plupart des théropodes non aviaires, mais pas autant que celle de Tyrannosaurus rex, ce qui indiquerait que le broyage d'os était possiblement un aspect moins important de leur comportement d'alimentation ou que leurs proies étaient plus petites que celles de T. rex. De plus, la taille et le type de proies acquises devaient changer entre les individus juvéniles et matures.
Le fait que les grands albertosaurinés étaient capables de produire des forces de morsure équivalentes à celles de tyrannosaurinés de même taille donne à penser qu'il n'y avait aucune différence significative de la musculature de fermeture des mâchoires entre les deux clades et que la puissante morsure de Tyrannosaurus rex est le résultat de sa grande taille plutôt que d'adaptations singulières reliées à une spécialisation écologique.
En 2021, Funston et al. décrivent une dent prémaxillaire de 1,6 cm de long, d'un embryon proche de naître, trouvée dans la Formation de Horseshoe Canyon et appartenant probablement à Albertosaurus sarcophagus. Elle présente de petits denticules sur les carènes et montre que les caractères typiques qui distinguent les tyrannosauridés d'autres théropodes étaient présents tôt durant leur vie.
Albertosaurus vu par différents artistes:
1ère image: Deux Albertosaurus chassant un jeune Parasaurolophus, par BrokenMachine86.
2ème illustration: Albertosaurus et Ichthyornis, par Davide Bonadonna, pour le Prehistoric Times magazine.
Styracosaurus albertensis inflige une blessure mortelle à un Albertosaurus sarcophagus. Une scène fictive imaginée pour la revue Prehistoric Times, par Alain Bénéteau (lire son témoignage sur les forums).
Ainsi, à l'âge adulte, Albertosaurus était l'un des plus grands prédateurs de son époque, même si sa vie n'était pas de tout repos. Plus agile que le célèbre Tyrannosaurus qui vécu un peu plus tard, il devait pouvoir atteindre la vitesse de 40 km/h en pointe; grâce à ses griffes il pouvait se saisir de ses proies: des dinosaures hadrosaures comme Anatosaurus et Lambeosaurus, ou des cératopsiens comme le Chasmosaurus. Et une fois attrapée, sa proie avait peu de chance d'échapper à ses puissantes mâchoires garnies de dents acérées et recourbées vers l'intérieur de sa gueule (15 dents par mandibule, dont une plus petite).
Tous ses fossiles ont été découvert dans la formation de Horseshoe Canyon, dans plusieurs gisements sur les bords de la rivière Red Deer, en Alberta (Canada). Les terrains sont datés du début du Maastrichtien, c'est-à-dire au Crétacé supérieur, il y a environ 73 à 70 millions d'années. La région était alors une zone littorale, constituée de nombreuses plaines inondables de grandes rivières, un environnement luxuriant, comme reconstitué sur l'illustration avec Deinosuchus. Le climat était plutôt chaud et humide, du charbon s'est formé dans cet environnement. De nombreux poissons, mammifères et dinosaures peuplaient la région.
Taxonomie
Il n'existe qu'une seule espèce valide: Albertosaurus sarcophagus, nommée officiellement par le paléontologue Osborn en 1905.
Gorgosaurus libratus a été un temps redéfini comme une espèce d'Albertosaurus, mais ils sont aujourd'hui bien considérés comme deux genres distincts, rassemblés au sein de la famille des Albertosaurinés. Gorgosaurus est bien plus gros (2 à 3,5 tonnes contre 1,3 à 2,2 pour Albertosaurus).
Références et liens complémentaires
- Osborn H. F. (1905). Tyrannosaurus and other Cretaceous carnivorous dinosaurs. Bulletin of the American Museum of Natural History 21(14) :259-265. (PDF)
- Currie P. J., J. H. Hurum, and K. Sabath (2003). Skull structure and evolution in tyrannosaurid dinosaurs. Acta Palaeontologica Polonica 48(2) :227-234 (PDF) = Description de la famille des Albertosaurinae.
- Bell P.R. (2010). Palaeopathological changes in a population of Albertosaurus sarcophagus from the Upper Cretaceous Horseshoe Canyon Formation of Alberta, Canada. Canadian Journal of Earth Sciences. 47(9) : 1263-1268. 10.1139/E10-030
- Erickson Gregory M. et al. (2010). A revised life table and survivorship curve for Albertosaurus sarcophagus based on the Dry Island mass death assemblage. Canadian Journal of Earth Sciences. 47(9) : 1269-1275. DOI: 10.1139/E10-051
- Eberth D. A. & Braman D.R. (2012). A revised stratigraphy and depositional history for the Horseshoe Canyon Formation (Upper Cretaceous), southern Alberta plains. Canadian Journal of Earth Sciences, 49: 1053–1086. DOI: 10.1139/e2012-035
- Eberth D. A. et al. (2013). Dinosaur biostratigraphy of the Edmonton Group (Upper Cretaceous), Alberta, Canada: evidence for climate influence. Canadian Journal of Earth Sciences, 50: 701–726. DOI: 10.1139/cjes-2012-0185
- Campione N. E. et al. (2014). Body mass estimation in non-avian bipeds using a theoretical conversion to quadruped stylopodial proportions. Methods Ecol. Evol. 5, 913–923. DOI: 10.1111/2041-210X.12226
- Bell P. R. et al. (2017). Tyrannosauroid integument reveals conflicting patterns of gigantism and feather evolution. Biol. Lett. 13: 20170092. DOI: 10.1098/rsbl.2017.0092
- Funston G. F. et al. (2021). Baby tyrannosaurid bones and teeth from the Late Cretaceous of western North America. Canadian Journal of Earth Sciences. 58(9) : 756-777. DOI: 10.1139/cjes-2020-0169
- Therrien François et al. (2021). Mandibular force profiles and tooth morphology in growth series of Albertosaurus sarcophagus and Gorgosaurus libratus (Tyrannosauridae: Albertosaurinae) provide evidence for an ontogenetic dietary shift in tyrannosaurids. Canadian Journal of Earth Sciences. 58(9) : 812-828. DOI: 10.1139/cjes-2020-0177.
- Sur le PaleoWiki: Description du dinosaure Albertosaurus.